« Je crois que c’est réellement à partir de ce cri que les événements s’accélérèrent. Jusqu’à cet instant, j’avais plutôt eu l’impression de me laisser guider, d’appartenir à une sorte de réalité imaginaire – mais toutes les réalités sont imaginaires, ou, du moins, imaginées – qui m’échappait totalement ; j’évoluais dans un arrière-monde, le labyrinthe de mes pensées et de mes sentiments, comptant sur Katryna pour me tenir par la main. Mais là, l’extérieur envahit mon esprit, brutalement ; il était mon esprit.
Katryna se leva, et, profitant de la pagaille, m’entraîna vers la sortie. Nephir, occupée à calmer les esprits, n’eut pas le temps de nous poursuivre – ou peut-être ne le voulut-elle pas. Mes yeux rencontrèrent une dernière fois ceux de Danny, ces yeux noirs qui me troublaient, comme s’ils faisaient partie de moi… J’avançai sans regarder, bousculant les adolescents qui se trouvaient sur mon passage et qui ne semblaient me voir. Un pas, deux pas, trois pas… escalier, couloir, porte, escalier de nouveau, l’entrepôt qui m’avait paru un, masse compacte et immuable, se réfractait à présent en une multitudes de conduits, traboules infernales que j’empruntais avec une lucidité qui m’effrayait. Ma conscience s’était décuplée et occupait à présent la quasi totalité de mon cerveau. Les quelques gosses que nous rencontrâmes n’eurent pas le temps de nous remarquer. Nous nous enfoncions un peu plus dans ce pandémonium architectural, vite, sans échanger une parole, notre désir commun de trouver la sortie parlait de lui-même. Nous avons franchi une salle, traversé un corridor, rencontré un grand hall. Et enfin la porte nous apparut. « Nous apparut », oui, c’est bien l’expression que j’ai employée et elle me semble la seule appropriée. Je ne pourrais pas expliquer rationnellement comment elle s’est trouvée là, devant nous. C’était… comme si tout à coup nous avions ouvert les yeux et elle fut… non, c’était beaucoup plus compliqué que cela ; comme si elle s’était toujours trouvée là, devant nos yeux et que nous ne pouvions la voir. Que s’est-il passé ? Une déchirure, comme un voile qu’on soulève, une page qu’on arrache pour en révéler une nouvelle, encore vierge d’encre…
Altération. Juste un mot, et tout s’éclaire. D’un seul coup mon âme le sait, le saisit et le reconnaît, ce mot qui jusqu’à présent n’était qu’un enchaînement de signes sur le papier et entre nos lèvres, ce mot qui se fait alors chair et souffle devant et par-devers nous, plus évident qu’une évidence, comment avons-nous pu l’ignorer ? Katryna se tourna vers moi avec ce même regard de compréhension terrifiée, terrassée par cette certitude, à prendre dans son sens le plus strict : le monde n’est plus ce qu’il était. La réalité est autre.
Dans un frisson nous passâmes la sortie.
Dehors, la nuit était la même… »
J’ai écrit ces lignes en 2000. J’écrivais alors avec mes tripes, songeant à peine à retravailler les mots que je couchais sur le papier et qui ne sortaient pas de mon cerveau, mais de mon coeur. Suis-je meilleure aujourd’hui ?
Sérieusement, j’en doute.
Un(e) volontaire pour lire les 76 premières pages que j’ai écrit à l’époque et me dire ce qu’il en est réellement ?
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