Aujourd’hui, en relisant mon chapitre 11, j’ai ressenti cette angoisse qui me prend parfois quand je pense à mon univers. Cette impression de me sentir dépossédée de celui-ci au fur et à mesure que je l’écris. C’est étrange, et paradoxal, parce que malgré tout j’aime écrire dessus, j’aime le faire découvrir au gens. Décrire tous ces lieux que je parcours en esprit depuis que je suis gamine, leur donner corps, les rendre vivant aux yeux des autres. Le problème, c’est qu’en échange, ils meurent dans mon cerveau. C’est comme si, au fur et à mesure de la plume (ou du clavier dans le cas présent), je vidais le Royaume Caché de la vie qui l’habite. Tout est si bouillonnant, changeant, enivrant à l’intérieur de ma tête… Pour écrire, il faut bien que je rationnalise, que je découpe, que je cadre, que je tranche. Mes personnages arrêtent de changer d’idée à chaque instant pour suivre une voie bien tracée, le Royaume cesse de se mouvoir pour fixer ses contours. Et je suis incapable de revenir dessus en esprit. Une fois que Keina sera écrite, elle cessera de vivre en moi. Elle ne sera plus qu’une suite de mots sur le papier, et cette simple idée me fend le coeur. Suis-je la seule auteur à le vivre aussi mal ?
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