PIÈCE DE THÉÂTRE EN CINQ ACTES

Voici une pièce de théâtre écrite durant mes années de fac avec une copine. Il s’agit là d’un délire complet, oscillant entre écriture automatique et humour d’étudiantes à la noix. Là-dedans, vous trouverez, en vrac : Gary Hobson, le héros de la série « Demain à la Une », série désormais culte pour nous (et c’est pas flatteur pour la série), une pseudo-conversation philosophique de haute volée, un texte écrit uniquement avec des citations d’autres textes (oui oui, ce ne fut pas des plus évidents à produire), quelques citations éparpillées (pubs, bande-annonces, poésie…), de l’odieux pompage sur Ionesco, beaucoup de Kinders, et encore plus de private jokes.
Si ça vous fait sourire à un moment à un autre, ce sera déjà pas mal… 🙂

PERSONNAGES:
Sophie
Sophie
La vendeuse de fleurs et de tronçonneuse
Grille-Pain Leobradkeanu
Gary Hobson
Jean-René Ohshitstubbywicked
La mystérieuse Sophie
Le poisson rouge
Le crocodile
Le facteur

ACTE I

LE FACTEUR
Deux sièges et demi. Une table basse chinoise avec une boîte aux lettres dessus et un bocal à poisson rouge avec de la confiture de pêche dedans et une rondelle d’ananas dessous. Sur la table basse il y a aussi un vase transparent style italien fin du Jurassique avec une déclaration d’impôt à l’intérieur. Un crocodile endormi muni d’une muselière et d’une laisse.
L’un des deux fauteuils et demi est un fauteuil style Louis XXI ou XXXVIII, garni de peau de hérisson premier choix.
Le deuxième est un fauteuil design en forme de fer à repasser.
Le troisième est un demi-fauteuil.
Au-dessus, un tapis volant persan avec une pointe de crème chantilly premier choix et une cerise premier choix.
Le tout se trouve au milieu de l’autoroute W521, reliant Moscou (en Russie) à New-York en passant par Trifouilli-les-Oies.

SCÈNE 1
LE FACTEUR

Les personnages sont Sophie, Sophie et une vendeuse de fleurs et de tronçonneuse. Les deux Sophie sont assises sur les fauteuils et demi. La vendeuse est assise en tailleurs sur la table basse. Le crocodile et le poisson rouge sont à part. Donc on n’en parle pas. Le poisson rouge est sur le tapis volant persan.
Sophie est en train de boire une soupe fraise-poire.
Sophie est en train de manger un gâteau aux haricots verts et eau de Javel.
La vendeuse vend.

SOPHIE 1

Je bois bien ce soir. Je bois dans une tasse verte premier choix une soupe fraise-poire premier choix. J’aime la soupe fraise-poire premier choix. Je préfère ça au thé à la carotte premier choix. C’est parce que je m’appelle Sophie et que je suis une fille premier choix.

SOPHIE 2

Je mange bien ce soir. Je mange dans une assiette bleue premier choix un gâteau aux haricots verts et eau de Javel premier choix. J’aime le gâteau aux haricots verts et eau de Javel premier choix. Je préfère ça au gâteau aux haricots verts et eau de Javel premier choix. C’est parce que je m’appelle Sophie et que je suis une fille premier choix.

LA VENDEUSE

Je suis une vendeuse premier choix. J’aime le thé premier choix et les gâteaux premier choix et je sais reconnaître une pièce de Ionesco quand j’en vois une. Ceci est une pièce de Ionesco quand j’en vois une. Ugh.

SOPHIE 1

Le crocodile a une muselière. Je ne veux qu’on… flûte, j’ai oublié le pas! Je ne veux pas qu’on mange la tranche d’ananas et la table basse. On ne sait jamais. Un crocodile sans muselière est plus dangereux qu’une cafetière sans petit pois. Et Dieu sait si une cafetière sans petit pois est dangereuse!!?
N’est-ce pas, Dieu?!!

SOPHIE 2

Tu dis n’importe quoi t’as rien compris au film.
Que fais-je donc car en effet ici?
Pourquoi?
Tout ceci est absurde.
Je n’ai pas l’intention de rester ici trois heures trente-cinq.
Tout le monde sait qu’un crocodile sans muselière est plus dangereux qu’une cafetière sans petit pois.

LE FACTEUR

Elle se lève furieuse, met la tête dans le bocal plein de confiture. Les autres sont imperturbables.

LA VENDEUSE

Tu crois qu’elle peut rester comme ça?

LE POISSON ROUGE

Ben moi j’y arrive bien, moi!

SCÈNE 2
LE FACTEUR

Deux heures plus tard. Les mêmes, dans la même position, endormis. Ils se réveillent.

LA VENDEUSE

Mais donc où donc étiez-vous donc?

SOPHIE 1

Nous étions en train de cueillir des crocus dans le Sahara pour la nouvelle année de l’année dernière.

LA VENDEUSE

En avez-vous trouvé?

SOPHIE 1

Non, nous avons trouvé des perce-neige dans le Kalahari pour la grande fête du quatre octobre.

LE FACTEUR

Sophie sort soudainement la tête de son bocal.

SOPHIE 2

Ce sera une grande fête! Si je n’attrape pas une indigestion à la confiture…

LE FACTEUR

Elle replonge la tête dans son bocal.

LA VENDEUSE

Merde il est déjà huit heures quarante-cinq je vais être en retard il faut que je rentre à l’internat pour faire mon devoir de math.
Au revoir à Lundi!

SOPHIE 1

Tu n’as plus toute ta raison. Tu crois que tu t’appelles Céline S., que tu es en hypokhâgne S et que tu as un devoir de math à faire.
C’est complètement absurde et surréaliste. Ça n’a aucun sens.

LA VENDEUSE

Je m’excuse.

SOPHIE 1

Et alors j’en ai rien à faire des textes à trous.

SCÈNE 3
LE FACTEUR

Arrive Grille-Pain Leobradkeanu, en costume de boy-scout, représentant en tapis vénitiens volants et en escaliers. La vendeuse est partie.

GRILLE-PAIN

Salut la compagnie! Voici des tapis vénitiens volants ou des escaliers pour vous servir, si vous avez déjà des tapis mais ce que je dis ne sont que des banalités et je m’excuse de tout cœur. Voulez-vous m’épouser?

LE FACTEUR

Sophie se lève et lui ferme la porte au nez.

GRILLE-PAIN

Salut la compagnie! Voici des tapis vénitiens volants ou des escaliers pour vous servir, si vous avez déjà des tapis mais ce que je dis ne sont que des banalités, je m’excuse de tout cœur et j’en ai marre de répéter la même chose. Voulez-vous m’épouser?

LE FACTEUR

Sophie sort la tête de son bocal.

SOPHIE 2

Bien sûr, avec de la sauce au curry et du coca… Ah j’oubliais, des potatoes à la place des frites s’il vous plaît.

GRILLE-PAIN

Ah vous voulez cultiver du tapioca avec du blé potelé et des plats effrités? Mais je m’en fiche ma petite dame. Je m’appelle Fred Astaire et je voudrais danser All of You!

SOPHIE 2

Mais pas du tout, vous vous appelez Grille-Pain Leobradkeanu et vous voulez m’épouser, vous devez vous tromper d’autoroute monsieur Astaire.

GRILLE-PAIN

Comment ça, je suis fou et je bois du vin de l’ONU épousseté par une trompe de Beyrouth pas cher?! Mais restez polie, s’il vous plaît! Je suis Paul Auster et je cherche Paul Auster pour une dédicace.

SOPHIE 1

Ah! Et bien dans ce cas c’est OUI!!!

GRILLE-PAIN

Hein?
SCÈNE4
LE FACTEUR

Rien à signaler. Temps pluvieux dans l’ensemble. Vent de force quatre à cinq soufflant nord-nord-ouest sur les côtés. Le poisson rouge et le crocodile ne veulent décidément plus participer à la pièce. La vendeuse est revenue.

LA VENDEUSE

Ah! Monsieur Paul Fred Austaire! Un autographe s’il vous plaît! Je suis folle de vous! Voulez-vous m’épouser?

GRILLE-PAIN

Ah, vous aussi, vous le cherchez pour une dédicace?

SOPHIE 2

Alors comme ça, elle, vous la comprenez, et nous, nous parlons chinois?! Faux-jeton! Sale type!

GRILLE-PAIN (à la vendeuse)

Je ne comprends vraiment rien à ce qu’elle raconte, cette folle, mais on dirait qu’elle est amoureuse de moi…

LA VENDEUSE

Celle-là? Depuis qu’elle est dans son bocal à confiture, personne ne la comprend.

GRILLE-PAIN

C’est sûrement parce qu’elle est à la pêche… la confiture.

LA VENDEUSE

Oh, monsieur Austaire! Comme vous avez de l’esprit!

GRILLE-PAIN

Ah bon, vous l’avez vu quelque part, vous? Moi je le cherche partout!!

SOPHIE 1 (au public)

Comme Grille-Pain a de grandes dents, mon enfant.

GRILLE-PAIN

Tire la bobinette et la chevillette cherra.

LE FACTEUR

Sophie remet la tête dans son bocal, Sophie va s’asseoir dans le public, la vendeuse se jette sur Grille-Pain et l’embrasse fougueusement tandis que celui-ci reste impassible. Le crocodile et le poisson rouge se regardent d’un air dubitatif. Ils ne font rien. Ils s’en moquent. Fin de l’acte premier.

ACTE II

LE FACTEUR

Bruit de grille-pain quand le pain est grillé. Le crocodile et le poisson rouge sont partis. Ils en avaient marre. Il y a de la confiture de pêche partout parce que Sophie a oublié de se laver la tête. Elle danse avec Grille-Pain en passant l’aspirateur. La vendeuse boude dans un coin, un bonnet d’âne sur la tête. Sophie est debout. Elle regarde le public et se moque des spectateurs.

SCÈNE 1
LE FACTEUR

Je ne vais quand même pas me répéter, non?

SOPHIE 1

Ah! Regardez le nez qu’il a, celui-là! Et la robe de celle-ci, où peut-on donc trouver des horreurs pareils??!!

GRILLE-PAIN(chantant)

Comme vous dansez bien, Ginger! Cela me donne beaucoup d’idées pour mon prochain livre! N’est-ce pas, Gingembre Rogers?

SOPHIE 2

On ne vous a jamais dit que vous ressembliez à Grille-Pain Leobradkeanu, représentant en escaliers et en tapis vénitiens volants qui vient la semaine prochaine de mercredi dernier?

LA VENDEUSE(se retournant)

C’est pas juste! Il devait m’épouser et on se serait installé à Hollywood et on aurait eu plein de petits paparazzi!!

LE FACTEUR

Sophie se roule par terre, s’esclaffe, se tape sur les cuisses.

GRILLE-PAIN

Au fait, est-ce que je ne devais pas rencontrer un célèbre écrivain, moi?

LE FACTEUR

Il quitte la pièce en courant.

SCÈNE 2
LE FACTEUR

Sophie, Sophie et la vendeuse s’ennuient. Sophie s’est calmée mais pouffe encore de temps en temps et s’essuie les yeux. Sophie passe toujours l’aspirateur puis l’arrête, le débranche et le range dans un coin. La vendeuse est partie s’asseoir sur le demi-fauteuil, toujours boudeuse.
Soudain surgit Gary Hobson dans son costume de super-héros. Il s’arrête au milieu de la scène, essoufflé.

GARY HOBSON

Bonjour tout le monde! Je m’appelle Gary Hobson et je suis le héros crétin d’une série télévisée idiote au nom débile : Demain à la Une. En plus, demain est un autre jour sauf pour moi. C’est affreux.
Mais il n’y a personne à sauver, ici! Qu’est-ce que donc que je fais encore ici en effet là-bas??!
Venez vous confesser à saint Gary, patron des crétins…

SOPHIE 1 (baissant la tête)

J’ai mangé tout le pot de miel de ma grand-mère. Je m’excuse.

SOPHIE 2 (baissant la tête)

J’ai volé la tour Eiffel et je l’ai revendue à un millionnaire pour me faire plein de fric. Je m’excuse.

LA VENDEUSE

J’ai tué avec ma tronçonneuse mille cinq cent cinquante sept personnes et une vache parce que la caissière – pardon : l’hôtesse d’accueil – refusait d’accepter ma carte bleue au supermarché. Je m’excuse.

GARY HOBSON

C’est très mal, tout ça ! Vous méritez une punition, petits garnements !
(à Sophie) Il ne faut pas manger tout un pot de miel d’un coup ! Tu aurais pu attraper une indigestion !
(à Sophie) Il ne faut pas parler avec des millionnaires inconnus dans la rue ! Ce sont des gens peu recommandables !
(à la vendeuse) Il ne faut pas utiliser des cartes bleues qui ne sont pas valables dans les supermarchés ! Cela gène tout le monde et cela fait mauvais genre !
(à tous) Et vous ne devez pas oublier les dix commandements de saint Gary Hobson, patron des boys scouts !

TOUS (récitant)

Dans les passages piétons tu traverseras.
Uniquement de Kinder™ tu te nourriras.
D’alcool tu ne boiras et de tabac tu ne fumeras.
La loi tu n’enfreindras point.
Des méchants-chauves-bruns-mal-rasés tu te méfieras.
Les personnes en danger tout en courant tu sauveras.
De gros mots tu ne diras point.
Le péché de chair tu ne commettras point.
Tous les matins d’une façon impeccable tu te coifferas.
Les têtes, même mal-rasées, tu ne couperas point.

SCÈNE 3
LE FACTEUR

Les personnages ont à peine fini de réciter les dix commandements de saint Gary, patron des innocents, qu’arrive d’une façon fracassante Jean-René Ohshitstubbywicked, en parachute, dans un grand bruit d’hélicoptère et de méchant-mal-rasé. Et c’est tout. C’est déjà pas mal, non mais alors c’est vrai quoi à la fin sans blague !

GARY HOBSON

Oh ! Ça alors ! Mais… s’agirait-il de Jean-René Ohsaperlipopetteméchantmalrasé ? Entre parenthèses, c’est ce qui a donné l’idée à nos deux auteuses préférées de l’appeler Ohshitstubbywicked, fermez la parenthèse.

LE FACTEUR

J.R les regarde tous avec un air méchant et de pas rigolo du tout.

J.R

… J’ai mal au ventre.

SOPHIE 1

… Dit-il en vomissant partout d’un air méchant.

SOPHIE 2

Ça, c’est à cause de la confiture de pêche.

LA VENDEUSE

Non, c’est à cause des nouilles asiatiques de Maggi et du chili con carne du Mexique avec du riz basmati indien. Pourquoi êtes-vous malade ?

GARY HOBSON

T’as pas du blanco ?

SOPHIE 2

Non, j’ai du jus d’ananas pour la digestion, si tu veux.

GARY HOBSON

Mais je ne suis pas malade et cessez de me tutoyer, jeune fille, nous n’avons pas gardé les vaches ensembles. Seuls les méchants sont malades et c’est bien fait pour eux !
J.R

Je ne vous permets pas ! Vous savez que je suis un méchant et que tous les méchants font du mal aux gentils dans tous les films.

LE FACTEUR

Soudain un ange passe. Arrive au milieu de la scène, il s’effondre en criant « aïe » et s’enfuit en courant dans le public.

VOIX DE GRILLE-PAIN DANS LES COULISSES

Mais… pourquoi J.R est-il malade ?

LA VENDEUSE

Ciel ! On m’a volé ma tronçonneuse premier choix qui venait tout droit d’Hollywood ! Mais comment vais-je faire pour nourrir mes cinq enfants ?!?

SOPHIE 2

Heureusement, vous pouvez toujours les perdre dans la forêt ! Mais en général, ils reviennent avec des bottes neuves.

GARY HOBSON

Cette pièce est totalement, complètement, absolument, profondément immorale ! Il faudrait l’interdire au moins aux moins de vingt-cinq ans ! Perdre des enfants dans une forêt… !!

VOIX DE GRILLE-PAIN

Je me demande bien pourquoi il est malade !

J.R

Je vais dire quelque chose de très méchant.
Et même quelque chose de très très méchant.
Et même quelque chose de très très très méchant.
Et même quelque chose de très très très très méchant.
… euh… flûte, j’ai oublié…

GARY HOBSON (suffoqué)

Il ne faut pas dire de gros mots ! Cela pourrait heurter la sensibilité de nos jeunes spectateurs !!

VOIX DE GRILLE-PAIN

Vous ne sauriez pas pourquoi il est malade, vous ?

LE FACTEUR

Les Sophie discutent bruyamment et s’envoient sur la figure le bocal, le vase transparent, la boîte aux lettres.

J.R

Mais que signifie tout ce boucan ? Eh, oh, j’aimerais bien vomir en paix, moi ! !

VOIX DE GRILLE-PAIN

Et moi, j’aimerai bien savoir pourquoi il est malade !

SOPHIE 1

Non mais, il ne faut pas exagérer, c’est tout de même nous les héroïnes de la pièce ! Ça fait une éternité au moins qu’on n’a pas parlé ! !
Et vos problèmes de digestion n’intéressent personne, monsieur J.R…

VOIX DE GRILLE-PAIN

Ben… si… moi je voudrais bien savoir pourquoi il est malade !

SOPHIE 1

Ta gueule ! T’es dans les coulisses, t’y restes et tu la fermes ! Tu parleras quand ce sera ta réplique, sans blague !

LE FACTEUR

Gary Hobson commence à respirer difficilement, puis s’effondre à genoux, la main sur son cœur. Il semble à l’agonie. C’est tragique.

GARY HOBSON

Pitié ! Je… je suis al… allergique aux… aux gros mots !

LA VENDEUSE

Au voleur ! Espèce de voleur de tronçonneuse !

LE FACTEUR

Et elle le mit à la porte sans pitié.

SOPHIE 2

Mais qu’est-ce qui se passe ici, j’ai rien compris au film et je mangerais bien un peu de confiture de pêche avec des cornichons.

VOIX DE GRILLE-PAIN

Et moi je ne sais toujours pas pourquoi il est malade…

SCÈNE 3
LE FACTEUR

Vous m’embêtez à la fin. Je n’ai rien à dire.
La vendeuse a poursuivi Gary dans les coulisses avec un balai.

SOPHIE 1 (inquiète)

Mais où est-il ?

SOPHIE 2

Je ne sais pas. Il m’a juste dit qu’il descendait chercher un paquet de cigarettes au café du coin !

SOPHIE 1

Je sais bien, ça fait dix fois que tu me le répètes. Mais ça fait quand même plus de deux heures qu’il est parti ! ! !

SOPHIE 2

Ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’il est parti sans son bocal !

J.R

Mais… de qui parlez-vous ?

SOPHIE 1

Ben de Bubulle ! Espèce de sans-cœur, vous n’avez même pas remarqué son absence ? !

J.R

Mais qui est Bubulle ?

SOPHIE 1&2

Notre poisson rouge ! ! ! Il faut vous le dire en quelle langue ?

J.R

En latin, pourquoi ? Piscis triginta sunt…

SOPHIE 1

Vous pourriez parler correctement ! Vous venez de dire : le poisson sont trente, ce qui ne veut strictement rien dire…

SOPHIE 2

Mais non ! En hébreu correct, cela veut dire : les piscines surent tricher, ce qui ne veut rien dire non plus, soit dit en passant…

J.R

Au fait, je suis encore malade… je ne dois pas l’oublier !

SOPHIE 1

Oh, mais c’est l’heure d’Ali MacDébile ! J’allais oublier…
J.R

Bile… foie… j’ai envie de vomir…

SOPHIE 2

Ecoutez-moi bien : …nouilles asiatiques !

LE FACTEUR

J.R vomit partout.

SOPHIE 1

Augmente le son ! Augmente le son ! Richard.

SOPHIE 2

Ali… Ali… Ali Baba ?

J.R

Ali Baba… baba au rhum… beurk…

SOPHIE 2

Non ! Ali Baba et les triginta voleurs !

LE FACTEUR

J.R vomit partout, Sophie s’installe devant une télé imaginaire qu’elle regarde avec avidité, Sophie s’assoit sur un des fauteuils et baille bruyamment, puis s’endort.
Cette pièce devient de plus en plus n’importe quoi, les auteurs ne savent vraiment plus quoi inventer et j’en ai plus qu’assez de débiter des insanités sur scène. Si ça continue, je vais aller rejoindre le poisson rouge et le crocodile qui ont été bien inspirés de partir.
Ah oui ! Et aussi, c’est la fin de l’acte deux. C’est vraiment pas trop tôt.

ACTE III

LE FACTEUR

Un supermarché. L’action se situe entre les rayons couches-culottes et bagues de fiançailles et punaises et tournevis en tous genres et boîtes pour chiens et chats. Au centre, un igloo avec un esquimau glaçé géant Miko. Sophie pêche dans un trou percé dans la glace, Sophie tourne en rond entre les rayons, la vendeuse cherche sa tronçonneuse dans les rayons. J.R. est parti se laver les dents.

SCÈNE 1
LE FACTEUR

La vendeuse est très en colère, au bord de l’hystérie. Elle fouille dans les rayons et balance tout dernière elle.

LA VENDEUSE

Mais où est donc ma tronçonneuse ?

LE FACTEUR

Et elle balance tout dernière elle.

SOPHIE 2

Mais où est-il ? J’aimerais savoir, quand même ! Si ça se trouve, il s’est fait avaler par un ours blanc, ou bien il a attrapé un cancer de la cigarette.

SOPHIE 1 (chantant)

Tom Sawyer…c’est l’Amérique, le symbole de la liberté…

LE FACTEUR

Ce qui serait vraiment bizarre, c’est que quelqu’un dise quelque chose d’intelligent dans cette pièce !

SOPHIE 2

Eh ! On m’a raconté une blague, ce matin !

LE FACTEUR

Tout le monde s’en fout.

SOPHIE 2

Tu sais comment on dit « lapin » à un sourd ?

LE FACTEUR

Silence complet.

SOPHIE 2

LAPIN !!!!!!

LE FACTEUR

Et elle éclate de rire.

LA VENDEUSE (se retournant)

Euh… vous pouvez répéter ? J’ai pas compris.

LE FACTEUR

Le téléphone sonne.

SOPHIE 2

Tiens ! Je vais répondre au téléphone ! C’est sans doute mamie Nova.

LA VENDEUSE

Mais elle schmurtz complètement celle-là ! Elle est arienfable ! On n’a pas le téléphone… d’ailleurs on ne l’a même pas encore inventé…

LE FACTEUR

La vendeuse s’énerve ! Elle trépigne.

LA VENDEUSE

Mais vous pouvez pas vous bouger un peu pour m’aider à trouver ma tronçonneuse chérie !!! Et toi, change de refrain, un peu…

SOPHIE 1

Capitaine Flam… tu n’es pas de notre galaxie, mais du fond de la nuit… Capitaine Flam !

SCÈNE 2
LE FACTEUR

Bon, ben voilà : Y’a Gary Hobson qu’arrive essoufflé, comme d’hab’, parce qu’il vient de sauver trois vaches et un violon… quelle vie…

SOPHIE 1

Capitaine Flam ?…

GARY HOBSON

Non, non, moi c’est Gary Hobson…
Quelqu’un veut un Kinder ?

LA VENDEUSE

Ah, te voilà, toi ! C’est pas trop tôt, il y a une tronçonneuse à sauver, ici !

GARY HOBSON (la bouche pleine de Kinder)

Dans stupide moment de distraction, Plume marcha les pieds au plafond… heureusement que j’étais là pour le rattraper !!

SOPHIE 2 (revenant)

Ben finalement, c’était pas le téléphone, c’était juste le réveil.

SOPHIE 1

Alors, comment elle va, mamie Nova ?

SOPHIE 2

Elle va très bien, merci. Elle te passe le bonjour.

GARY HOBSON (brandissant un Kinder devant lui)

La vie… c’est comme les Kinder… ça fond dans la bouche, pas dans la main…

SOPHIE 1

Euh… tu confonds pas avec les M&M’s ?

GARY HOBSON (même attitude)

La vie… c’est comme les Kinder… quand tu le vois, tu fais : ntc, ntc… quand tu l’ouvres, tu fais : ouah ! Et quand tu le manges, tu fais : hmm !!…

LE FACTEUR

Et il avale goulûment le Kinder avec la surprise.

LA VENDEUSE

Le chien court sur les nuages et pense avec du chocolat dans les narines…

SOPHIE 2

Oui, mais la brioche est entre autre l’un des téléphones de l’avenir !!

LE FACTEUR

Ils se regardent tous, hagards.

SCÈNE 3
LE FACTEUR

Je dis quoi ?… Ah, ben, v’là Grille-Pain.

LA VENDEUSE

M. Pain?…

GRILLE-PAIN

Non, mon prénom c’est Grille-Pain… Grille-Pain, c’est bien, après le beurre fond tout seul…

SOPHIE 2

Ah ! Te voilà, mon amour ?

GRILLE-PAIN

Excusez-moi, mademoiselle, je ne vous connais point !

SOPHIE 1

Ben forcément, eh, banane, c’est moi ton amour !

GARY HOBSON

Banane ?!! BANANE ?!!! Serait-ce une insulte ?… Dans la bouche d’une aussi douce et pure jeune fille ??!!! Je meurs !!

GRILLE-PAIN

Oh, eh, toi, le comédien à deux sous, on t’a pas sonné.

LE FACTEUR

Gary Hobson éclate en pleurs et s’en va rejoindre sa maman. C’est alors que le grand méchant loup tira la bobinette et la chevillette chera.

GRILLE-PAIN

Mais… à quoi ça ressemble, une bobinette, au fait ?

LA VENDEUSE

C’est comme une trottinette, mais sans les roues…

SOPHIE 2

Mamie est en train de regarder la Bible !

SOPHIE 1

Et alors ? C’est vrai que Jésus il meurt à la fin ?

SOPHIE 2

Mais racontes pas la fin, j’ai pas vu le film !!

GRILLE-PAIN

Cela a été une grande expérience pour moi… je n’ai jamais vu le film !!

LA VENDEUSE

Moi aussi… on va refaire des photos avec d’autres fringues ?

SOPHIE 2 (à Grille-Pain)

Au fait… tu avais quelque chose à me dire, mon amour ?

GRILLE-PAIN (prend une grande inspiration puis se lance)

Ils vont du simple indigent à la lamentable épave… deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu’aux cheveux, tous derrière lui la main sur l’épaule et lui tout seul pour tous, mince tranche au milieu d’impressions contiguës qui formaient notre vie d’alors, le héros aux mille expédients qui tant erra. L’on aime bien qu’une seule fois, mais il la vit d’une si admirable beauté, dans l’éblouissement que lui envoyèrent ses yeux, qu’un homme d’imagination aurait pu prendre cette vieille tête pour quelque silhouette due au hasard. Et elle montrait naïvement ses quatre épines, dans sa pose suspendue et fuyante. Elle a vécue, Myrto, la jeune Tarentine, vêtue de candité probide et de lin blanc, avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle était loin du regard des hommes. Sais pas si elle était sans ou avec, la Cantatrice Chauve, cette fille que vous aimez ; elle n’était pas très jolie, à cause de ses dents un peu écartées, elle ne pouvait plus trouver un homme à séduire, plus même le dernier coureur de filles, bonniche pas trop bégueule…
Ô rage, ô désespoir ! Veux-tu donc que je m’empoisonne ou que je saute dans l’Arno ? Vous avez vécue comme Dieu vous a fait. De par ma chandelle verte !… la reine m’aime ! Ô Dieu ! C’est bien vrai, c’est moi-même ! Ce n’est pas une fleur que l’on respire, c’est un roc !… c’est un pic !… c’est un cap ! Quelle clarté soudaine se répand ? Tout est si calme autour de moi et mon âme si paisible. Quel silence ! Quel paix ! Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or : viens ici que je t’enpapouète ! Captive, toujours triste, tu as toujours maintenant la voix d’une femme qui court en criant : Ehre, Ehre, Ehre… thou lovest me… Tout m’appelle et m’enchaîne à l’enfant au carquois. Mon amie chérie n’est que babil, jargon, propos sans conséquence. La belle chose que de vouloir se piquer d’un faux honneur d’être fidèle ! Je vois la lune qui va choir : ô amour, ô penser, courez tôt à ma dame ! Par le pouvoir d’un mot, je recommence ma vie… liberté de dire que deux et deux font quatre !
C’est dans ses yeux que je l’ai prise, l’haleine de l’aurore, au sommet du monde.
Comme disait Diderot : Dites donc, vous qui êtes du pays, les gars qui débarquent, là, c’est bien les Américains ?
Cela est bien dit, répondit Voltaire, mais il faut cultiver notre jardin.

SOPHIE 2 (perplexe)

Mais qu’est-ce que tu racontes, mon amour ?! je n’ai rien compris…

SOPHIE 1

Non, là, je crois qu’en fait il vient de te dire que la copine de son copain est morte et qu’il a essayé de le consolé en lui disant qu’elle était moche mais ça n’a pas marché, alors il laisse tomber parce qu’il n’a pas que ça à faire !
Ensuite il a dit qu’il voulait te quitter parce qu’il m’aime, et que toi t’es vraiment hors du coup. En plus il est tombé amoureux et il en a marre de tes caquetages, alors il demande le divorce. Tout ce qu’il veut, c’est que tu dises oui, parce que là il est vraiment trop amoureux et il est capable de faire n’importe quoi pour moi.
Et puis cet imbécile a terminé sur une citation qui n’a strictement rien à voir avec le reste, mais qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour sortir sa science !!

SOPHIE 2 (commence à pleurer puis s’arrête net)

Mais… on n’est pas marié… !

SCÈNE 4
LA VENDEUSE (embêtée)

Bon… ben… euh… le facteur est sorti, donc, ben, c’est moi qui dois dire que… ben… y’a Sophie qui s’est barrée, en pleurs, le cœur brisé, et Grille-Pain est en train d’embrasser fougueusement Sophie… et puis… euh… ben… Gary Hobson… ben, il mange ses Kinder, comme vous pouvez le constater, euh… en fait, c’est super dur de dire ce qu’il doit dire !! Bon, ben, j’y retourne… j’espère qu’il va revenir !

SOPHIE 1

Ah ! Enfin débarrassés de ce fardeau pour notre couple ! N’est-ce pas ma petite citrouille verte en fruits confis ?

GRILLE-PAIN

Ouais… ben… finalement… je préférais peut-être l’autre…

GARY HOBSON

Oh ! Quelle moralité décadente dans cette pièce ! Nous nageons en plein vaudeville ! Et dire que les auteurs n’ont que vingt ans ! C’est du beau, ça, tiens…

LA VENDEUSE

Bon, écoute, au lieu de t’occuper des affaires de cœur qui ne te regardent pas, tu ferais mieux de faire ton boulot et de sauver ma tronçonneuse !

GARY HOBSON

J’ai le droit de courir ?

LA VENDEUSE

Je te fais confiance… utilise tes méthodes habituelles, elles ont l’air efficace…

LE FACTEUR (de retour)

Aaaah… ça fait du bien… j’en pouvais vraiment plus… tiens ? Y’a Gary Hobson qui est en train de faire le tour de l’igloo en courant ! Est-ce que j’ai loupé quelque chose ?

LA VENDEUSE

Non, non, c’est rien, il retrouve ma tronçonneuse…

GARY HOBSON

Je ne la vois toujours pas !

LA VENDEUSE

Cherches encore un peu plus loin !

LE FACTEUR

Bon, ben, j’ai rien raté, tout est normal… j’aurais dû m’en douter, c’est toujours autant n’importe quoi !! Heureusement que c’est la fin de l’acte III !!
ACTE IV

LE FACTEUR

Même décor, même personnages. Ceux-ci présentent une inactivité discursive évidente. En clair, ils ne disent rien, ne font rien, sauf Gary, qui court toujours. Bref, c’est toujours aussi nul.

SCÈNE 1
LE FACTEUR

Tiens, mais c’est J.R ! … et il a toujours mal au ventre !

GRILLE-PAIN

Monsieur J.R ! Je voudrais vous poser une question qui me titille depuis longtemps et que je n’osais pas vous demander de peur d’être indiscret… mais… j’ose néanmoins !… Alors, voilà… monsieur J.R, pardonnez-moi, mais… monsieur J.R, pourquoi êtes-vous malade ?

J.R

C’est qui ce blaireau ?

SOPHIE 1

Oh… c’est personne…

GRILLE-PAIN

Mais si, j’existe, je suis bien réel ! Je ne suis pas un numéro, je suis un être humain !

J.R

Tiens, les blaireaux, ça parle, maintenant ?

LE FACTEUR

Le poisson et le crocodile discutent… eh ! salut les copains !

J.R

De mieux en mieux, un poisson et un crocodile qui parlent ! C’est un vrai zoo ici !

SOPHIE 2

Bubulle !! Enfin te voilà ! Mais où étais-tu donc ? Je te croyais mort ! Rentre vite dans ton bocal, tu vas prendre froid !

LE POISSON ROUGE

Oh non ! encore l’autre folle ! Bon, il faut que j’y aille, à la prochaine, vieux !

LE CROCODILE

Fumes pas toutes tes cigarettes d’un coup !

SCÈNE 2
LE FACTEUR

Oyez, oyez, braves gens, rentrez dans vos chaumières tant qu’il est encore temps, car voici venu le temps de l’ennui et du désespoir : nous allons en effet débuter une terrible épreuve… âme sensible s’abstenir… une conversation philosophique !!!! (qui a donné le titre à la pièce, au passage…)
Le sujet sera donc : pourquoi J.R est-il malade ?

SOPHIE 1

Grave problème… qui a soulevé depuis la nuit des temps de nombreuses questions… pourquoi J.R est-il malade ? C’est un sujet vraiment épineux, auquel je doute de pouvoir répondre toute seule… Hegel et Spinoza se sont penchés sur la question, et n’ont jamais trouvé de réponses, alors vous pensez… ! Sophie ?

SOPHIE 2

En effet, en effet… de plus, il faut veiller à ne pas heurter les âmes sensibles par des propos trop avant-gardistes qui risqueraient de les perturber pour de longues années, des propos du genre : il est malade parce qu’il a trop lu…

LA VENDEUSE

Bien sûr, mais ne faut-il pas avant tout prendre en compte les aspects philosophiques et théologiques que soulève cette question, par une démonstration à la fois syllogistique et freudienne, qui nous mènerait à des considérations tout à fait cosmographiques ?

GRILLE-PAIN

Non, non, restons au niveau psychosomatique de la chose. Il faut bien avoir en mémoire les circonstances abominables de l’apparition des symptômes : une enfance difficile au sein d’une famille brisée, une mère… mannequin chez Monoprix… Freud aurait dit : « N’ayons pas peur de la VERITE !! »

SOPHIE 1

Cela est bien dit, monsieur Pain, mais toutefois je considérais pour ma part que vous vous éloignez du sujet… n’est-il pas en effet évident que, selon Sartre dans l’Existentialisme est un humanisme, l’enfance de quelqu’un n’engendre en rien les comportements ultérieurs ?

GRILLE-PAIN

Bon alors, si vous voulez, mais cessez de m’appeler monsieur Pain, mademoiselle Phie ! Mon prénom, c’est Grille-Pain en entier. Sinon, pour ma part, s’il est malade, c’est parce qu’il en a trop, beau-coup trop !

SOPHIE 2

De quoi ? Des pâquerettes dans son jardin ? Madame la vendeuse, pourriez-vous nous informer sur l’effet nocif des pâquerettes dans les jardins ?

LA VENDEUSE

Oui oui oui… tout à fait, tout à fait… je dirais même plus, ceci est très pertinent et tout à fait bien dit… euh… c’était quoi la question ?

SOPHIE 2

Non mais, alors vous, ça alors… j’en reviens pas !! Quelle audace !! Ça vend des graines de pâquerette et ça ne connaît pas les règles fondamentales de prévention ?!?
Pour en revenir à notre sujet, je suis bien de votre avis ! Ah ça oui !

SOPHIE 1

Mais c’est n’importe quoi !! Je n’ai jamais entendu de telles sottises… des pâquerettes… pourquoi pas des tomates, tant que vous y êtes ??!! Recentrons le problème, s’il vous plaît !!

GRILLE-PAIN

Ah ça oui ! Par les poils de mon menton… D’un point de vue scientifique, Jean-Claude Vandamme dirait : « We can explain that by the force de gravité appliqué au sujet and influencé by the racine carré du logarythme népérien de 18, jour où il fut malade, sick, ill, à vomir everywhere !!! » fin de citation.

LA VENDEUSE

Exactement… ce qui m’amène à ma démonstration : nous parlons d’un mal indicible, présentant une dichotomie ontologique fondamentale… en effet, J.R a mal au ventre… or, qu’est-ce que le ventre, sinon le siège même de tout sentiment apostasié et transcendé quelque part au niveau du vécu ? Ainsi, comme nous le montre Susan Sontag dans la Maladie comme métaphore, il est courant au XIXème siècle qu’une héroïne meure de phtisie, et qu’est-ce que la phtisie, sinon la métaphore optique de la pensée dualisée par la palinodie profonde des espaces parenthétiques courants ? Ainsi, nous en arrivons à l’équation de base qui est : J.R+mal de ventre=femme+phtisie, et, en simplifiant, puisque mal de ventre=phtisie suivant le parcours discursif d’un personnage de roman, J.R=femme, ce qui forme une solution de type Na+ + OH-, qui en précipitant, va donner au final la solution (a+b)²= le carré de l’hypoténuse. J’ai bon ?

SOPHIE 2

Je crains que vous ne soyez allé un peu trop loin et je décèle une erreur : en effet, c’est a²+b² qui est égal au carré de l’hypoténuse, alors que (a+b)² est égal à a²+b²+ab. Or, cet abbé n’apparaît pas dans votre raisonnement. Je reprends donc votre équation à J.R=femme. La solution est toute simple : si J.R a mal au ventre, c’est qu’il est enceinte. Quant à l’abbé, s’il n’intervient pas, c’est tout simplement parce que c’est un enfant illégitime. Je crois que c’est beaucoup plus pausible ainsi, non ?

SOPHIE 1

Moi, ça ne me paraît pas concluant, pas vous ?

LE POISSON ROUGE

Pff… n’importe quoi… moi, je sais pourquoi J.R il est malade !

TOUS

Pourquoi ?

LE POISSON ROUGE (solennellement)

Parce que… il y a un i à triginta !!

LE FACTEUR

Tout le monde éclate de rire, puis s’arrête d’un coup. Silence prolongé.

LA VENDEUSE

Bon… ben… on fait quoi, maintenant ?

SOPHIE 2

Ben… on attend Godot !

GRILLE-PAIN

Mais non, vous vous trompez de pièce ! Ici, on demande pourquoi monsieur J.R est-il malade ! Monsieur J.R… pourquoi êtes-vous malade ?

LE FACTEUR

J.R vomit encore un coup.

SCÈNE 3
LE FACTEUR

J.R est parti détruire le monde un coup dans son hélicoptère à l’insu de Gary Hobson, toujours en train de courir autour de l’igloo (quelle endurance !) pour retrouver la tronçonneuse. Je m’ennuie profondément.

SOPHIE 1

Bon, ben… ça résout pas le problème !

SOPHIE 2

Je dirai même plus : ça résout pas le problème !

GRILLE-PAIN (d’un air pénétré)

The Sentinel… comme ça se prononce…

SOPHIE 1

Au secours ! Grille-Pain est possédé ! Vite, un exorciste !

SOPHIE 2

Possédé par qui ?

SOPHIE 1

Mais par le démon des Séries Débiles !

GARY HOBSON (s’arrêtant brusquement)

Hein ? On m’a appelé ?

SOPHIE 2

Non non… tu devrais faire encore une centaine de tours, Gary…

SOPHIE 1 (à part)

Il ne faut surtout pas le contrarier, ce démon est TERRIBLE…

SOPHIE 2

Quoi ! Mon grand amour est possédé ! Quelle tragédie ! Y’a-t-il un exorciste dans la salle ?

LE FACTEUR

Euh… moi j’ai bien fait un BTS « exorcisme en tout genre », mais j’ai pas trouvé de boulot, alors je me suis lancé dans un deug de factorat et collage de timbre avec option didascalisation… ça a plutôt bien fonctionné !!

LA VENDEUSE

Enfin… si on veut, parce qu’au vu de la qualité des pièces dans lesquelles vous intervenez… laissez-moi rire !

LE FACTEUR (vexé)

Ben ça y est… quand elle commence à rigoler, elle est partie pour une heure. Moi, je boude. Na.

LE CROCODILE

Laissez-moi faire, j’ai qu’à faire peur au démon, c’est un jeu de crocodile !

SOPHIE 1

Ah ouais, je ferais bien une partie ! Tu m’expliques la règle du jeu ?

LE POISSON ROUGE

Mon dieu… que cette pièce est affligeante…

LE CROCODILE

Bouh !

LA VENDEUSE

Aaaaaaaaaaaaah ! Je cours me réfugier dans les bras de Gary Hobson parce que le facteur boude !

GARY HOBSON (la repoussant)

Plaît-il ? Une fille dans mes bras ? Qui porte la culotte, en plus ! Mais je vais défaillir ! Ah ! Mon dieu ! Des sels !

LA VENDEUSE

Espèce de grosse asperge rampante et pleine de pustules !

SOPHIE 1

Tiens ? Gary s’est évanoui ! ‘manquait plus que ça ! Maintenant, on a deux malades sur les bras !

GRILLE-PAIN (complètement dérangé)

Vite, docteur Benton ! Le chariot de réa, NFS, iono et groupe RH ! Et allez me chercher Carter !

SOPHIE 2

Mon amour ! Tu fais une rechute ! Ne t’inquiète pas, on va bien s’occuper de toi ! Tu veux que j’appelle ta mère ?

LE POISSON ROUGE

Elle est bête, celle-là ! Sa mère est morte en l’an 59 après Jésus-Christ ! Forcément, elle ne peut pas s’en rappeler…

LE FACTEUR

Ah, ça y est, j’ai fini de bouder ! A table !

TOUT LE MONDE (soulagé ou terrifié, au choix)

Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !!!!!!!!

SCÈNE 4
LE FACTEUR

Bon, maintenant, c’est la scène quatre. Grille-Pain est très malade. Qui va donc le sauver ? Sophie 1 et Sophie 2 sont autour de lui pour le consoler. La vendeuse est assise sur une chaise pliante qu’elle vient de prendre dans les coulisses et encourage Gary Hobson (qui court toujours autour de l’igloo, soit dit en passant), en agitant un petit drapeau et en criant comme une excitée :

LA VENDEUSE

Allez, Gary ! Allez !…

SOPHIE 1

Sortez le verre, le scrabble et les bougies ! On va faire une séance de spiritisme pour invoquer le Démon des Séries Débiles !

GRILLE-PAIN (toujours en plein délire)

Et si on découvrait un passage vers les mondes parallèles ?…

SOPHIE 2

Bon. Concentrons-nous et récitons tous l’incantation.

SOPHIE 1 ET 2 (solennellement)

Une petite fille se balance sur une balançoire.
Elle se balançait, balançait, tout en chantant et dansant.
Alors apparut un loup qui allait chez sa mère-grand apporter un petit pot de beurre et une galette.
La fille fut soudain prise d’une terrible… envie de faire pipi qu’elle tenta de maîtriser vainement.
« Loup, tu es bête », dit-elle, « j’ai ciré mes chaussures ce matin. » Le loup s’en alla, penaud.
Après avoir récité ses cours d’histoire et ses formules de mathématique, toujours en se balançant, elle se lança dans l’observation d’un horrible monstre qui s’approchait lentement.
Mais la petite fille continua de se balancer. Elle regardait un petit oiseau qui volait autour d’elle.
« Qui es-tu, petit oiseau ? », demanda-t-elle.
« Je suis un chat, répondit l’oiseau, et je guette la souris. »
La petite fille tremblait de peur, la panique commençait à la gagner lorsque, pour on ne sait quelle raison, le terrible ver de terre fit demi-tour.
« Foi de crocodile, dit la petite fille, « aussi sûr que je suis sur une barque au milieu d’un lac, ils sont tous fous, ici ! »

LE CROCODILE

Plaît-il ? On me demande ?

LE POISSON ROUGE

Laisse tomber, ils sont tous en plein délire. Ne cherche pas à comprendre et viens faire une belote !

LE FACTEUR (inspiré)

Oh ! Alors s’ouvrit le toit du théâtre dans le ciel et la Sophie mystérieuse apparut dans le temple ; puis ce furent des éclairs, des voix et des tonnerres, avec un tremblement de terre, et la grêle tombait drue – évangile selon Sophie, 11, 19.
Mais qui est cet étrange personnage qui apparaît dans un éclair de lucidité ?

LA SOPHIE MYSTÉRIEUSE

Je m’appelle mystérieuse. Sophie mystérieuse. J’ai un T-Shirt FLAET : ça signifie que je suis militante du FLAET : FLAET, Front de Libération des Antennes d’Extra-Terrestres ! Car de nos jours, les ET n’ont plus d’antennes ! Que sont-elles devenues ? Pourquoi tant de secrets autour de ce complot infernal ? Pourquoi la disparition des antennes sur les ET est-elle parallèles à l’apparition dans nos villes de paraboles, de téléphones portables et de satellites ? On nous cache quelque chose ! Rejoignez le FLAET pour sauver nos amis les ET qui sans leurs antennes sont faibles et vulnérables !

LE FACTEUR

Encore une tarée de plus ! Décidément, quand il n’y en a plus, il y en a encore ! Heureusement que c’est la fin de l’acte IV ! Dites donc, je ne me répète pas un peu, moi ?

ACTE V

SCÈNE 1
LE FACTEUR

Le facteur, il dit qu’il y a tout le monde sauf J.R. La mystérieuse Sophie distribue des tracts au public en chantant son slogan : « libérez nos camarades les E.T ! » Les autres la regardent, bouches bées.
Soudain, J.R. apparaît, dit le facteur, avec la tronçonneuse à la main !

SOPHIE MYSTÉRIEUSE

Oh !

LE FACTEUR

Suspens…

SOPHIE MYSTÉRIEUSE

Oh oh oh oh !

LE FACTEUR

C’est insoutenable, n’est-ce pas ?

SOPHIE MYSTÉRIEUSE

Mais c’est…

LE FACTEUR

Bon, ça commence à bien faire ! Accouche !

SOPHIE MYSTÉRIEUSE

… l’homme à la tronçonneuse !

LA VENDEUSE

Un homme à la tronçonneuse ?… Mais… Un homme à ma tronçonneuse !!!!!!! Où l’avez-vous trouvée ?

SOPHIE MYSTÉRIEUSE

Je l’avais volée pour tondre ma pelouse ! Je la tondais paisiblement lorsque j’entendis J.R. dévorer du Tite-Live dans le jardin d’à côté. Je fus tellement surprise que la tronçonneuse m’échappa et atterrit sur l’oreille droite de J.R., bouleversant tout son système digestif, car le i de triginta n’est pas passé… J.R. fut ainsi condamné à dégueuler toute sa vie ! De rage, il prit la tronçonneuse et la jeta à l’eau.

SOPHIE 1

Allo ?

SOPHIE MYSTÉRIEUSE

Non : A l’eau.

SOPHIE 1

Allo ? Mais qui est à l’appareil ?

SOPHIE MYSTÉRIEUSE

Non : A… L’EAU !!!

LA VENDEUSE

Mais comment ça se fait que J.R., il a la tronçonneuse, alors ?

J.R.

Une tronçonneuse à ce prix-là, non mais vous rigolez ou quoi ?

LE FACTEUR

Alors… procédons par ordre alphabétique :
J.R., fou de rage, massacre en hurlant des gros mots Sophie 1 et Sophie 2.
Gary Hobson succombe à toute cette violence.
Grille-Pain et Sophie mystérieuse disparaissent dans un cumulo-nimbus de fumée de pot d’échappement d’une Ford Fiesta bleu foncé.
La vendeuse poursuit J.R. dans les coulisses pour récupérer sa tronçonneuse.

SCÈNE 2
LE FACTEUR

Pour cause de décès prématuré des auteurs qui sont mortes de rire, nous ne pouvons donner suite à votre appel et nous vous prions de ne rien oublier à votre place. La SNCF vous souhaite un agréable voyage.
(voyant le poisson rouge et le crocodile)
Tiens, les copains ! Vous auriez pas une clope, pour moi ?

LE POISSON ROUGE (en s’éloignant vers les coulisses)

Si, si, attends, je te l’allume !

LE CROCODILE

Ben dis donc, y’avait pas grand monde, ce soir !

LE FACTEUR

Ouais, et je sais pas si vous avez remarqué la grande brune, devant : qu’est-ce qu’elle avait l’air cloche !!

LE POISSON ROUGE

Bon, en tout cas, encore un soir de tiré ! Vivement d’être au pieu !

(Les trois s’éloignent dans les coulisses en discutant.)

RIDEAU

Évelyne B.
Céline S.


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